« Guerre et Médecine »
Du 26 mai 2011 au 13 novembre 2011
La médecine et la guerre sont deux activités diamétralement opposées. L’une est la science de prolonger la vie et l’autre, la science de retirer la vie. D’un strict point de vue théorique, rien ne semble devoir établir un lien entre ces deux sciences. Pourtant, dans la pratique, il en va tout autrement. La guerre a besoin de la médecine pour deux raisons majeures. Tout d’abord, les militaires n’ayant jamais assez d’effectifs, ils réclament, une fois rétablis, le retour des blessés aux armées. En outre, l’espoir de survie à une blessure, qu’apporte la médecine, favorise la combativité du soldat. Dès lors une relation de dépendance intime de la guerre à l’égard de la médecine, se noue. L’exposition « Guerre et Médecine », fruit de la collaboration entre le Wellcome Collection de Londres et le Deutsches Hygiene-Museum de Dresde, nous amène à sa découverte.
L’approche choisie par les concepteurs est chronologique et débute au milieu du XIXe siècle. Elle se justifie amplement dans le sens où, à partir de cette date, les progrès médicaux connaissent la même croissance exponentielle que les moyens de destruction.
Le parcours dans l’exposition débute par la guerre de Crimée, conflit souvent négligé, et qui constitue un véritable tournant. L’exposition nous apprend que le premier hôpital préfabriqué date de cette époque. En outre, le service de Santé de l’armée russe, qu’on aurait tendance à mésestimer, compte dans ses rangs Nikolai Pirogov, pionnier des techniques de l’anesthésie et du triage des blessés.
Le sujet des Gueules Cassées occupent une place proéminente dans l’espace dédié à la Grande Guerre. A côté des prothèses et autres instruments, les documents écrits apprennent aux visiteurs, qu’en quelques années, la manière de traiter ce type de patients a connu une évolution fulgurante. Les premières tentatives de reproduction faciale faisaient plus appel à l’art qu’à la science médicale. Il s’agissait de sculpter et de peindre un masque, à partir de portrait du patient. Dès 1917, la médecine fait un véritable bond en avant avec l’ouverture du Queen’s Hospital, à Sidcup, dans la banlieue de Londres. La création de cet établissement est l’acte de naissance de la chirurgie plastique. L’homme fort de ce nouveau domaine médical est Harold Gilles. Au sein du Queen’s Hospital, Gilles et ses collègues vont mettre en œuvre des techniques très modernes et soigner 5000 individus. L’exposition étant une réalisation anglo-allemande, le Deutsches Hygiene-Museum a pu faire valoir que l’Allemagne, elle aussi, dispose de pionniers, avec notamment Jacques Joseph.
Instrument de chirurgie faciale de Jacques Joseph
La seconde guerre mondiale est marquée par la compromission de la médecine avec la guerre. Pendant la première guerre mondiale, des dérives s’étaient déjà produites. Par exemple, la baïonnette française, surnommée « Rosalie », avaient été élaborée par des médecins pour qu’elle provoque le plus de dégâts possibles. Toutefois, dans les pays de l’Axe, pendant la seconde guerre mondiale, la médecine écrit la page la plus noire de son histoire. Des médecins allemands, japonais et italiens, se livrent aux pires expériences sur des cobayes humains. « Guerre et Médecine », réalisée sans concession, n’hésite pas à rappeler que nombre de ces « médecins du diable » ont connu une brillante carrière jusque dans les années 60.
Enfin, le clou de l’exposition est constitué par l’œuvre de l’artiste David Cotterrell, envoyé en Afghanistan par le Wellcome Trust de Londres. Le résultat de sa vision d’artiste est époustouflante de réalisme et pleine d’émotion. Elle consiste en une pièce sombre, dans laquelle des jeux d’images et de sons, plongent le visiteur dans le ressenti d’un blessé évacué par un C-130 Hercules de la RAF. Personne ne sort psychologiquement indemne d’une telle expérience.
Evacuation aérienne d’un blessé d’Afghanistan (cliché de David Cotterrell)
Par Romain SERTELET
Renseignements :
Musée canadien de la guerre
1, place Vimy
Ottawa (Ontario) K1A 0M8 Canada
Crédit Photo : © Musée canadien de la guerre