Lieu du Mois - Mai 2012
Le bois de la Gruerie
« Je travaille le plus possible, fort, très fort, et j’ai du bois G. des choses épatantes, en grands croquis rehaussés de couleurs. Tu verras ma belle, c’est très chic et puis il y en a une moisson ». Mathurin Méheut
Un guetteur au bois de la Gruerie 7 septembre 1915
Musée de Lamballe
Le bois de la Gruerie se situe à la bordure occidentale de la forêt d’Argonne, sur le territoire du département de la Marne. Il tient son nom d’un droit royal, la gruerie ou grurie, par lequel le souverain percevait une partie des coupes de bois. De septembre 1914 à l’automne 1918, le bois se trouve sur la ligne de front et est l’objet de combats acharnés. En août 1915, le 136e R.I., dans les rangs duquel on compte l’artiste-peintre Mathurin Méheut, y tint garnison.
I) D’un simple nom sur les cartes négligé par les uns et les autres à un secteur de première importance
A la fin août 1914, la guerre de mouvement règne sur l’ensemble du front occidental et elle est favorable aux armées allemandes qui progressent partout. A l’est de Verdun, les IV. et V. Armeen débordent largement l’aile gauche de la 3e armée. Même si elle n’est pas occupée, la forêt d’Argonne se trouve alors dans l’arrière front allemand. Néanmoins, en septembre 1914, le sort des armes s’inverse avec la bataille de la Marne et les troupes du Kaiser battent en retraite. La nouvelle ligne de front qui se cristallise passe par la zone difficile d’accès de l’Argonne. Elle marque également la zone de contact entre la IV. et la V. Armeen. Le 24 septembre, les premiers coups de feu sont échangés dans le bois de la Gruerie lorsque des Landser tentent d’y pénétrer pour couvrir l’aile gauche de l’Armee du duc de Wurtemberg. Le 29 septembre, une importante décision intervient dans le camp allemand. Le général von Mudra, avec le XVI. Armeekorps et la 27 I.D., détachée de la IV. Armee, reçoit pour mission de s’emparer du massif forestier d’Argonne. Une phase de combats acharnés s’ouvre…
II) Du bois de la Gruerie au bois de la Tuerie
A partir d’octobre, les Allemands prennent la route de Varennes pour objectif et lancent des assauts meurtriers dans le bois de la Gruerie par lequel passe les lignes françaises. Une violente offensive allemande se déclenche dans le bois, le 29 janvier 1915, à 6 heures 30. Les fantassins de la 27. I.D., parmis lesquels on compte un certain Oberleutnant Rommel, heurtent les Poilus de la 40e D.I., particulièrement surpris par la brièveté de la préparation d’artillerie. Les Allemands déplorent plus de 400 tués et les Français 3000 hommes hors de combat en deux jours. Le bois gagne un nouveau nom : « Bois de la Tuerie ». Une nouvelle tentative allemande d’importance intervient, le 13 juillet 1915. Dans la perspective de l’attaque, la 86. Infanterie Brigade reçoit l’appui de plusieurs lance-flammes. Les hommes de la 42e D.I. encaissent le choc et tiennent bon. Le lendemain, les soldats français franchissent les parapets pour passer à la contre attaque, en vain.
Bois de la Gruerie les pommiers 27 septembre 1915 - Coll. Part.
Cadavres de coloniaux. Bois de la Gruerie. Août 1915 - Coll. Part.
III) Mathurin Méheut au bois de la Gruerie
En août 1915, le 136e R.I. relève un régiment colonial au bois de la Gruerie. Le sous-lieutenant Méheut y séjourne en première ligne et prend rapidement conscience du caractère acharné des combats : « Les attaques boches succèdent aux attaques des nôtres – grenades toujours, toujours, et dans le bois quel vacarme. C’est vraiment pour qui ne connaît pas l’artillerie quelque chose d’effrayant. Ne t’effraie pas, belle, je serai prudent tout en remplissant mon devoir de soldat, de Français. Quelles luttes pour un coin de bois, tu n’as pas idée. Les tranchées changent continuellement, quelquefois même plusieurs fois par jour de propriétaire […] pan ! les fascines sur lesquelles j’écris me tombe sur la figure et tachent le papier, j’aime mieux cela qu’une marmite. » Son séjour en Argonne s’étend jusqu’à mai 1916 et il prend le temps de peintre certaines de ses plus belles œuvres.
Avec l’offensive sur Verdun, les combats en Argonne occidentale diminuent considérablement en intensité et les hommes peuvent se consacrer à l’aménagement des positions. Il faut attendre l’offensive américaine de Meuse-Argonne, en septembre 1918, pour que le secteur sorte de son demi-sommeil.
Par Romain SERTELET
Le vieux pâtre donne de mauvaises nouvelles avant de monter au bois de la Gruerie - Coll. Part.
Source :
JUDE Elisabeth et Patrick, Mathurin Méheut 1914-1918 des ennemis si proches, Rennes, Editions Ouest-France, 2001.
BERNEDE Allain, « Les combats oubliés d’Argonne » in 14-18 le magazine de la Grande Guerre, 14-18 Editions, Hors Série n°7 décembre 2007, 132 p.
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