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Image La bataille de la Marne en Meuse

03/09/2011La bataille de la Marne en Meuse : Sarrail sauve Verdun

La bataille qui sauva la France, entre le 5 et le 12 septembre 1914, est restée dans l’histoire sous le nom de « bataille de la Marne ». Or cette désignation donne l’impression au grand public que la bataille s’est jouée uniquement à l’immédiat est de Paris. Rien n’est plus faux ! Le champ de bataille s’étend jusqu’au camp retranché de Verdun, qui tient le rôle de pivot tout au long de ces sept journées de bataille décisive.

Prise d'assaut de la gare de la Vaux Marie

Prise d'assaut de la gare de la Vaux Marie

I) Situation des deux adversaires, à la veille de la bataille :

Composition de la 3e Armée (SARRAIL) :

5e Corps (Général MICHELER) :
- 9e D.I. (Général MARTIN)
- 10e D.I. (Général ROQUES puis GOSSART)

6e Corps (Général Verraux) :
- 12e D.I. (Général SOUCHIER, puis général HERR)
- 40e D.I. (Général LECONTE)
- 107e B.I. (Général ESTEVE)

15e Corps (Général ESPINASSE) :
- 29e D.I. (Général CARBILLET)
- 30e D.I. (Général COLLE)

3e Groupe des D.R. (Général DURAND) :
- 65e DR (Général BIGOT)
- 67e D.R. (Général MARABAIL)
- 75e D.R. (Général VIMARD)

Troupes de défense de Verdun (Général HEYMANN) :
- 72e D.R.
- 108e B.I.
- 164e R.I.
- 165e R.I.

7e D.C. (Général d’URBAL)

Composition de la V. Armee (Kronprinz GUILLAUME) :

V. Armee-Korps
VI. Armee-Korps
XIII. Armee-Korps
XVI. Armee-Korps
V. Reserve-Korps
VI. Reserve-Korps

Après son échec à Virton, le 22 août dans le cadre de la bataille des frontière, la 3e Armée du Général Ruffey, remplacé le 30 août par Sarrail, est contrainte au repli jusqu’à la Meuse. Elle est poursuivie par la puissante V. Armee du Kronprinz. Cette dernière est forte des V., VI., XIII., XVI. Armee-Korps et des V. et VI. Reserve-Korps. De son côté, la 3e Armée est soumise aux prélèvements opérés par le général Joffre au profit de son aile gauche, et ne réduit bientôt plus qu’aux 5e et 6e Corps, appuyés par le groupe de divisions de réserve du général Durand. Ces trois divisions de réserve sont affectées à Sarrail, à partir du 2 septembre. D’abord orientées vers les Hauts-de-Meuse pour affronter une éventuelle manœuvre de débordement allemande par l’est, elles cantonnent finalement entre Courouvre et Saint-Mihiel.

Kronprinz Guillaume

Le Kronprinz Guillaume

Conscient de la faiblesse de la 3e Armée pour encaisser le choc des 6 Armee-Korps du Kronprinz, Joffre autorise Sarrail à se replier au sud de Verdun et à laisser ce camp retranché se former en hérisson. L’essentiel pour le commandant en chef est que Sarrail tienne fermement la soudure avec la 4e Armée de Langle de Cary. Sa décision est des plus sages, il perçoit parfaitement que le « Schwerpunkt » de la V. Armee va s’exercer du côté de la trouée de Revigny pour briser l’unité du front français. Des six Armee-Korps aux ordres du Kronprinz, tous, sauf le V. Armee-Korps du General von Strantz, se dirigent vers le sud, laissant Verdun sur leur flanc gauche. Toutefois, Sarrail se refuse pour le moment à envisager cette éventualité et décide de faire le maximum pour continuer à couvrir Verdun avec son armée. Cette décision risquée oblige Sarrail à étendre démesurément le front de son Armée vers le Sud pour rester lier à la 4e Armée, contrainte au repli face à la pression exercée par la IV. Armee. Dans le courant de la journée du 5 septembre, Sarrail reçoit instruction de passer à l’offensive pour tomber dans le flanc gauche de la V. Armee. L’objectif est des plus ambitieux puisqu’il s’agit de tendre la main à l’offensive que lancera la 6e armée de Maunoury dans le flanc droit allemand.

II) 6 et 7 septembre : L’initiative reste entre les mains allemandes :

Malgré l’ordre d’attaque, les troupes de Sarrail sont bien incapables du moindre pas en avant. Elles sont assaillies sur tout leur front par les troupes allemandes. Pire, elles doivent même refluer. C’est notamment le cas à l’endroit le plus crucial : la jonction avec la 4e Armée. Le 5e Corps, établi au nord de Revigny entre Sommeilles et Vaubécourt, est submergé par les VI. Armee-Korps et XVIII. Reserve-Korps. Pour se dégager il doit abandonner Revigny, et se rétabli sur une ligne Vassincourt-Villotte. Bien que les pertes de terrain soient substantielles, les conséquences ne sont pas encore dramatiques dans la mesure où la liaison avec de Langle de Cary n’est pas rompue. Le 6e Corps, installé sur le front Sommaisne-Beauzée-Deuxnouds, ne connaît pas une journée bien meilleure. Sur son front, les Allemands prennent également l’initiative. Les assaillants sont contenus et à 10 heures les troupes françaises peuvent enfin se lancer en avant. Quelques succès sont enregistrés, comme la prise de Pretz. Néanmoins, les Allemands contre-attaquent habilement et raccompagnent le 6e Corps sur sa ligne de départ. Ils progressent même au-delà et capturent Sommaisne, Beauzée et Deuxnouds.

Prise de Vassincourt

 

Prise de Vassincourt

Pour donner du poids à sa reprise de l’initiative, Sarrail avait fait monter en ligne ses ultimes forces. Il comptait surprendre l’adversaire par l’engagement offensif, sur son aile droite, de deux divisions de réserve du général Durand et les troupes de défense de Verdun. Les deux premières obtiennent initialement quelques succès et s’emparent d’Ippécourt, poussant jusque vers Saint-André et Osches. Toutefois, le XVI. Armee-Korps réagit avec vigueur et rejette les réservistes français sur la ligne Signal d’Heippes-Souilly. Pour leur part, les troupes de défense de Verdun du Général Heymann n’osent pas s’aventurer au-delà de Julvécourt. Bien leur en prend car le VI. Reserve-Korps stationne non loin de là et est en mesure d’écraser toute velléité offensive sérieuse de la part des troupes du camp retranché de Verdun. Joffre avec l’excellent coup d’œil dont il fera preuve tout au long de cette bataille, sent que la 3e armée est au bord de la rupture. Il faut l’appuyer avec des troupes fraîches. Il ordonne donc le transfert du 15e Corps d’Espinasse de la 2e Armée à la 3e.

 

Le 7 septembre, les troupes du Kronprinz se relancent à l’assaut à la jonction des 4e et 3e Armées, et réussissent à percer le mince front péniblement reconstitué, la veille au soir. Les Allemands prennent pied sur le plateau de Vassincourt sur le front du 5e Corps et les officiers peuvent observer dans leurs binoculaires leur prochain objectif : Bar-le-Duc. Mais la 29e Division du 15e Corps est en mesure de s’établir entre Combles et Fains et va bientôt être jetée dans la fournaise pour enrayer l’avance ennemie. Dans la zone d’opération du 6e Corps, les troupes du Kaiser tentent sans succès de s’emparer de Rembercourt, incendié par bombardement. Sur le front de l’aide droite, les 67e et 75e Divisions de Réserve poursuivent le combat pour Ippécourt.

III) 8 septembre : la V. Armee, bloquée dans la Trouée de Revigny, ouvre un nouveau front

Du côté allemand, le Kronprinz s’est enfin aperçu que le front entre Verdun et Saint-Mihiel était quasiment dépourvu de troupes françaises, hormis les forts Séré de Rivière. Le fort de Troyon subit de plein fouet le choc du V. Armee-Korps et surtout de l’artillerie lourde qui lui est rattachée. Complétement surclassé, le fort de Troyon n’a connu aucune modernisation, son commandant n’estime pas pouvoir tenir plus de 48 heures. Pour tendre la main au V. Armee-Korps, il lance une violente offensive contre le 6e Corps. Les combats sont acharnés, particulièrement à Rambercourt et à la ferme de Vaux-Marie où la défense est assurée par des chasseurs à pieds et les fantassins du 106e Régiment d’Infanterie qui compte dans ses rangs un certain Maurice Genevoix. Le 15e Corps monte en entier en ligne pour stopper les attaques du VI. Armee-Korps. Ses contre-attaques autorisent la reprise de Mognéville et de la ferme de Maison Blanche. Au 5e Corps, deux brèches sont signalées. Les défenseurs de Louppy-le-Château se retirent sur Louppy-le-Petit et ceux de Villotte sur Lisle-en-Barrois. Joffre perçoit la précarité de la situation de l’armée de Sarrail. Il renouvelle son autorisation du repli de la droite de l’Armée, signifiant l’abandon de Verdun. Sarrail ne cède pas à la panique et se refuse encore à cette extrêmité. Toutefois, il ordonne de faire sauter les ponts sur le cours de la Meuse.

Maurice Genevoix

Maurice Genevoix

IV) 9 et 10 septembre : le Kronprinz ne parvient pas à forcer la décision :

La pression du V. Armee-Korps sur le flanc est de la 3e Armée s’accentue. Le fort de Troyon est réduit au silence et ne constitue plus qu’un champ de ruines. Toutefois, les effectifs de l’unique V. Armee-Korps ne permettent pas une offensive de grand style dans ce secteur où pourtant la décision pourrait être obtenue. Devant le renseignement que des éléments allemands ont franchi la Meuse à La Croix-sur-Meuse, Sarrail se résout, le 10 septembre, à retirer de son flanc ouest, les 67e et 75e Divisions de Réserve de Durand. Ces deux unités sont regroupées dans le secteur de Courouvre pour être en mesure de juguler toute percée allemande. Leur front est repris par les troupes de la défense mobile de Verdun. Par cette manœuvre, Sarrail affaibli gravement un secteur dans lequel les Allemands ont fait de notables progrès. Le 10 septembre, la 65e Division de Reserve a perdu Séraucourt et le Signal d’Heippes. Tôt dans la même journée la 75e Division de Réserve a cédé Heippes, et dans l’après midi, elle abandonne Souilly. Sur le front ouest, la bataille reste toujours violente. Le 15e Corps est à l’offensive au cours des deux journées. Si les gains de terrains sont modestes, l’essentiel est atteint : la liaison avec la 4e Armée. De son côté, le 6e Corps est contraint d’abandonner la ferme de Vaux Marie et Rambercourt, le soir du 10 septembre. La situation de la 3e Armée est critique, s’il ne veut pas voir une partie de son armée anéantie, Sarrail va bientôt être contraint d’évacuer le saillant de Verdun.

Fort de Troyon Septembre 1914

Entrée du Fort de Troyon après les bombardements de septembre 1914

V) 11 et 12 septembre : le Kronprinz Guillaume est contraint de lâcher prise :

Le 11 septembre la défaite des I. et II. Armeen est consommée, Moltke prend conscience qu’un repli général sur une ligne plus courte s’impose. Cette position de repli se trouve sur l’Aisne. De son côté le Kronprinz, dont les troupes n’ont pas été vaincues par celles de Sarrail, tout en commençant le repli de ses unités, poursuit une défense acharnée tout au long de la journée. Si le 15e Corps parvient à reprendre pied dans Vassincourt et le 5e dans Laimont, toute tentative de progression française sur le reste du front est réduite à néant par le violent feu déployé par l’artillerie lourde allemande.

Le 12 septembre, les conséquences des succès remportés à l’aile gauche française se font enfin sentir sur le front de la 3e Armée de Sarrail. La poursuite est entamée et Verdun mis hors de danger. Le Kronprinz n’a entamé son repli qu’avec amertume puisque ses troupes se sont vues contraintes à la retraite uniquement du fait des insuccès rencontrés par l’aile droite allemande. Elle reçoit cet ordre à un moment où la 3e Armée est vraiment proche de l’effondrement.

En ce qui concerne la 3e Armée, malgré les ordres de Joffre du 5 septembre, elle n’a jamais été en mesure de faire peser une menace réelle sur le flanc de la V. Armee. Au contraire, elle s’est vue ravir l’initiative pendant toute la durée de la bataille. Mais Sarrail a réussi le tour de force, dans une situation d’infériorité, de remplir deux objectifs divergents : maintenir la liaison avec la 4e Armée et protéger Verdun d’un encerclement. Ayant réussi, in extremis, à relever ce défi, il en conserve une gloire immortelle, symbolisée par sa statue de bronze, qui trône en face du monument aux morts de la ville de Verdun.

Statue Sarrail

Statue du Général SARRAIL à Verdun

Cartes issues de Gabriel HANOTAUX, Histoire illustrée de la guerre de 1914 :

Situation le 5 septembre :

Situation au 5 septembre

Situation le 8 septembre :

Situation au 8 septembre

Situation le 10 septembre :

Situation au 10 septembre

Situation du 12 au 14 septembre :

Situation du 12 au 14 septembre

Cérémonies meusiennes commémorant des événements de la bataille de la Marne :

Le 4 septembre à partir de 9 heures 30 à Vassincourt : cérémonie en mémoire des combats du 6 au 12 septembre, à Vassincourt, et autour de cette localité.

Le 10 septembre à Virton (Belgique) : cérémonie en hommage aux soldats français tombés lors de la bataille des frontières de 1914 et inhumés dans les cimetières belges. Le relais de la flamme sacrée de Verdun à Virton est organisé à la même occasion.

Le 11 septembre à partir de 9 heures 45 à Rambercourt-Sommaisne : cérémonie du Souvenir, 97e anniversaire des Combats des 8,9 et 10 septembre 1914.

Le dimanche 11 septembre, une cérémonie commémorant le 97ème anniversaire des combats du fort de Troyon aura lieu à partir de 9h30.

Par Romain SERTELET

 

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