Livre du Mois - Juin 2011
Nicole Mangin une Lorraine au cœur de la Grande Guerre
La part que les femmes ont prise dans la victoire française de 1918 est maintenant reconnue. Tous les écoliers découvrent la figure emblématique de la « munitionnette » ou encore celle de l’infirmière. Le grand mérite de Jean-Jacques Schneider, dont le précédent ouvrage « Le service de Santé de l’armée française à Verdun » constitue une référence, est d’avoir exhumé de l’oubli la figure d’une femme qui obtint des responsabilités et encadra des hommes : Nicole Mangin. Née en 1878, dans un milieu aisé, la jeune femme décide de suivre des études de médecine. Il va sans dire qu’à cette époque, elles sont encore peu à relever un tel défi. Toutefois, elle quitte les bancs de l’université pour se marier et concevoir un enfant, en 1899. Cette vie, en conformité avec les normes de la société de l’époque, ne la satisfait pas. Des conflits éclatent avec son mari et le divorce est prononcé en 1903. Reprenant ses études, elle soutient sa thèse de doctorat en 1909. Souhaitant poursuivre la recherche sur le cancer et la tuberculose, elle décide d’exercer dans le milieu hospitalier. En août 1914, à l’âge de 36 ans, elle est mobilisée. Consciente qu’il s’agit d’une erreur de l’administration militaire, elle décide toutefois de se présenter, par patriotisme mais aussi par défi. Mal accueillie à l’hôpital de Bourbonne-les-Bains, dans les Vosges, sa situation est pourtant régularisée devant le manque de personnel médical. Elle est affectée à l’hôpital de Glorieux dans le secteur réputé calme de Verdun. Elle y soigne des patients atteints de la fièvre typhoïde.
Le 21 février 1916, le grand affrontement franco-allemand débute. Rapidement, les blessés en provenance du champ de bataille affluent dans l’hôpital. Devant l’évolution de la bataille, son évacuation est ordonnée à la fin février. Le médecin auxiliaire Mangin est transféré à l’hôpital de Vadelaincourt. Sur son activité, elle écrit à sa famille « chirurgie sans arrêt, de jour comme de nuit, pendant des semaines, jusqu’à ce que l’on tombe, à bout de forces, sur un brancard pour dormir un peu ». Il est à noter qu’un des nombreux intérêts du livre de Jean-Jacques Schneider réside dans les nombreux écrits de la propre main de Nicole Mangin, qu’il a habilement intégrés au récit. Lors de son passage à l’hôpital de Vadelaincourt, indignée de ne pas être reconnue à la hauteur de ses efforts, elle exige le grade de médecin-officier qui lui revient de droit. Confronté au risque de la voir quitter l’armée, l’autorité militaire lui donne satisfaction. A la fin de l’année 1916, elle quitte la Meuse et est enfin récompensée de ses éminents services. Elevée médecin-major, elle obtient la direction de l’hôpital-école pour infirmières Edith-Carell. Le 6 juin 1919, profondément marquée par la guerre, l’unique femme médecin de l’armée française et la fondatrice de la ligue internationale contre le cancer, met un terme à sa vie. Il faut souligner que tout au long de l’ouvrage, le Docteur Schneider parvient à rendre intelligible au plus grand nombre le domaine pointue de la médecine. En outre, Jean-Jacques Schneider prend de la hauteur pour conter l’aventure du mouvement féministe auquel Nicole Mangin a appartenu. Il met en lumière le retard de l’armée française par rapport aux armées allemande et britannique. Pour preuve, devant l’incapacité de l’intendance à lui fournir une tenue adaptée, Nicole Mangin se voit contrainte d’adopter un uniforme…britannique !
Rubrique écrite par Romain SERTELET
Notice bibliographique :
SCHNEIDER Jean-Jacques, Nicole Mangin une Lorraine au cœur de la Grande Guerre, Nancy, Editions Place Stanislas, 2011, 223 p.
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Crédit Photo : © Editions Place Stanislas